Interview: Cédric Marchand nous parle de la vie et du travail en Côte d’Ivoire

22 octobre 2019

Quels sont les défis de nos ingénieurs en Côte d’Ivoire ? Quelle sont les particularités de leur travail au quotidien ? Quelle est leur vie de tous les jours ? Nous avons posé toutes ces questions à Cédric Marchand, Country Manager de BESIX en Côte d’Ivoire, première destination du groupe en Afrique de l’Ouest.

Vous êtes le Country Manager pour la Côte d’Ivoire. Quel est votre parcours au sein de BESIX ? J’ai rejoint Six Construct au Moyen-Orient en 2008 pour travailler, entre autres, sur la Burj Khalifa, puis la Cleveland Clinic, deux chantiers particulièrement importants et techniquement hors du commun. Après avoir participé à l’ouverture de la branche BESIX Montenegro en 2013 et réalisé la première phase de Lustica Bay, j’ai travaillé sur la fin de l’EDF Lab Paris-Saclay, en France. Après un nouveau passage de moins d’un an à Dubaï, j’ai eu l’opportunité de démarrer un nouveau pays et ouvrir la Côte d’Ivoire. Notre filiale BESIX Côte d’Ivoire existe depuis début 2017. L’Afrique était une première pour moi, un nouveau défi à relever !

C’est une tâche particulière d’ouvrir un pays. Comment ça marche, comment fait-on quand on démarre de zéro ?
C’est en soi un projet passionnant. Je suis ingénieur. Or, ce que l’on demande au Country Manager d’un nouveau pays, c’est de comprendre ce pays au sens large, d’identifier les opportunités, d’éventuels partenaires et fournisseurs… C’est une tâche qui oblige à sortir de sa zone de confort, de s’ouvrir et de s’intéresser à une multitude d’aspects nouveaux. On démarre quasiment d’une page blanche, avec l’objectif de concrétiser des contacts initiaux réalisés par le département Business Development et d’anticiper et préparer la préparation des potentiels projets à venir. Il s’agit ensuite de grandir, relativement rapidement. C’est le principe d’une start-up.

Dans le cas de la Côte d’Ivoire, quelle a été l’évolution de la "start-up", sur les plans humains et professionnels ?
En un an et demi, nous sommes passés de 1 à 3 employés, puis en un an de 3 à 450 avec le démarrage du premier chantier de La Mé. C’est une aventure humaine passionnante qui permet de faire partie d’un projet dès le départ et à 100%. Cela a, j’en suis sûr, un impact positif sur l’ambiance générale. Nous ne sommes que quelques expatriés, une petite quinzaine, qui travaillons dans un esprit très familial, avec un circuit de communication très court. Il y a une émulation collective. Nous avons tous des responsabilités et contribuons tous, de manière directe et visible, à l’évolution rapide et quotidienne du projet et à l’implantation et réputation de BESIX dans le pays. Professionnellement, c’est très excitant. Et humainement, ça crée des liens forts entre nous.

La Mé

En quoi consiste le chantier de La Mé ? De nouveaux chantiers sont-ils prévus à court terme ? A La Mé, nous réalisons les travaux de génie civil d’une usine de traitement d’eau potable, conçue par Veolia, l’une des plus importante en Afrique de l’Ouest. Notre client et partenaire est un acteur important en Côte d’Ivoire, PFO Africa, avec lequel les contacts sont excellents. La Mé est en fait le nom de la rivière, située à une trentaine de kilomètres au nord d’Abidjan, dans laquelle l’usine en cours de construction puisera l’eau nécessaire pour traiter et distribuer 240,000m³ d’eau potable par jour. Elle augmentera considérablement l’offre d’eau potable dans la région, notamment à Abidjan. D’autres contrats sont en très bonne voie.

Pour un ingénieur, d’un point de vue strictement professionnel, qu’est-ce qui différentie ce type de chantiers de nos chantiers traditionnels, que ce soit en Europe de l’Ouest ou au Moyen-Orient ?
En tant qu’ingénieurs, ce sont des chantiers qui sont "hors standards", très exigeants, sans doute stressants mais surtout passionnants et valorisants. En comparaison à d’autres pays ou projets, nous avons très peu de sous-traitants, non par volonté, mais parce qu’on doit s’adapter aux contexte local et devons donc faire beaucoup nous-même. L’aspect "gestion de contrat" tel qu’on le connait sur beaucoup de nos projets est faible : il y a un contrat, celui qui nous lie au client. Sur le chantier par contre, nous avons tous les leviers et sommes très largement maîtres de la production et des performances. Sur le chantier de La Mé, nous avons un Technical Office, en charge de l’ensemble des travaux. De manière générale, ce sont donc des chantiers très "complets" pour des ingénieurs. Il faut mettre les mains dans le cambouis et toucher à tous les aspects du chantier.

Cela s’accompagne, je suppose, de défis importants ?
Oui, il y a des défis propres à cette situation et aux réalités locales. L’un d’eux concerne par exemple la main d’œuvre. C’est à nous de recruter et de former la main d’œuvre, qui pour la grande majorité est non-qualifiée, et la faire grandir pour atteindre les exigences de BESIX, aussi bien en ce qui concerne la qualité, l’excellence, que la sécurité sur chantier par exemple. C’est un défi mais c’est très gratifiant, et ils nous le rendent bien. Un second défi concerne par exemple les matériaux de construction et les engins de chantier. Tout n’est pas aussi facilement disponible que sur les marchés domestiques de BESIX. Cela exige de l’anticipation et un important travail en amont. Par exemple, la première grue que l’on installe sur un chantier est arrivée là au terme d’un périple, que l’on a organisé de A à Z en rencontrant parfois une série d’obstacles, logistiques ou autres. Elle est à elle seule une petite victoire d’équipe. On vit beaucoup de "petites victoires" de ce genre, qui n’existent que parce que l’on est contraints de relever des défis.

Si l’on met de côté l’aspect professionnel, quels sont les défis de la vie quotidienne et en particulier de la vie de famille ?
L’aspect "familial et camaraderie" de l’équipe est fort, à tous points de vue. Tout est par exemple mis en place pour que les familles se sentent bien. Que ce soit les écoles, les hôpitaux, on encadre un maximum les familles pour qu’elles ne se sentent pas perdues à leur arrivée. Mais la ville d’Abidjan aide. Ce n’est pas difficile de s’y sentir vite bien. C’est une ville très agréable et en Afrique de l’Ouest, elle est le "hub" économique et culturel. Au niveau des commerces par exemple, les grandes surfaces françaises traditionnelles sont très bien implantées. On y trouve également toutes les écoles possibles, françaises, américaines, internationales. C’est aussi un centre névralgique d’Afrique sur le plan artistique, que ce soit pour la musique, le cinéma ou le théâtre, l’offre est large. Abidjan est une ville africaine, dynamique et développée. On attache beaucoup de stéréotypes à l’Afrique, souvent par méconnaissance. Or elle est très vaste et très diverse. La Côte d’Ivoire en particulier est l’un des pays d’Afrique les plus agréables à vivre.

Une cause d’échec relativement fréquente de l’expatriation est l’occupation du conjoint. Comment gérez-vous cela ?
Une fois de plus, le fait d’être en Côte d’Ivoire rend les choses spéciales. Il y a beaucoup de grandes entreprises, de même que des institutions internationales, qui y sont implantées et les profils expatriés sont très bien accueillis. Ce n’est ni difficile de trouver un emploi, ni de développer une occupation pour des personnes qui ne souhaitent pas nécessairement un contrat de travail. Certains s’engagent dans des associations, d’autres créent une activité. Il y a un large éventail de possibilités. En résumé, en Côte d’Ivoire, qui veut peut.

Abidjan

C’est aussi lié à l’économie du pays…
Oui. L’agence américaine Moody’s a par exemple présenté en août un rapport sur les économies sub-sahariennes, en se focalisant sur celles qui résisteraient le mieux à une crise économique. Les trois pays les mieux classés sont le Rwanda, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Cela est dû à plusieurs facteurs, comme la gestion des dépenses publiques par exemple. Cette gestion saine de l’économie a bien entendu un impact sur l’attractivité du pays. Cela explique qu’Abidjan soit le "hub" de l’Afrique de l’Ouest pour bon nombre d’entreprises et d’institutions qui s’y implantent et à partir de là, rayonnent dans le reste de la région. La qualité économique a par ailleurs un effet d’entrainement sur le reste : culture, sécurité, enseignement, santé, commerces, restaurants… La difficulté d’Abidjan, d’après ceux qui y ont vécu, c’est parfois de quitter Abidjan !

Tant qu’on parle "restaurants" : vous mangez Ivoirien ?
Tous les jours (ou presque) ! En général le midi, avec des collègues ou des contacts divers. Il y a une série de plats locaux pas mal du tout. Pour le reste, on y mange surtout de la cuisine française. Ce ne sont pas les restaurants qui manquent, il y en a pour tous les goûts et budgets.